Articles de francoisjeudy

Les miroirs de Jiuzhaigou

Nous arrivons dans la petite ville de Langmusi le mardi 12 novembre au matin. Située aux pied de pics enneigés, entourée de plaines herbeuses et de forêts pointues, à l’intersection des régions de Gansu, Qinghai et Sichuan, elle nous plonge dans l’univers pittoresque du Tibet aussi surement que si nous nous trouvions au cœur du pays. Il s’y trouve non pas un mais deux monastères bouddhistes tibétains. Le plus grand, Kerti Gompa, se trouve coté Sichuan et héberge 700 moines. Le 2ème, Sertri Gompa, se trouve sur une colline côté Gansu mais en plus d’être payant il est beaucoup moins impressionnant. Du coup, fidèle à nos principes de parcimonie nous n’allons visiter que le premier.

Avant cela nous avons tout de même dû trouver un logement et en basse saison dans ce petit village reculé, ce ne fut pas chose aisée. Nous avons presque l’impression d’une ville fantôme, toutes les agences touristiques sont fermées et seulement un hôtel sur deux est ouvert… Celui que nous finissons par choisir s’avère être l’un des plus insalubres que nous aurons le bonheur de croiser en Chine, mais comment pourrait-on se plaindre alors qu’il y a un toit (en tôle), de la moquette (noire de crasse), 2 lits (aux draps suspects), des toilettes communes (marron de crasse cette fois, c’est multicolore au moins), du chauffage (radiateur mobile de la taille d’un grille-pain) et des douches (froides) ? J C’est bien plus qu’il nous en faut enfin ! Et puis ce n’est pas cher (il ne manquerait plus que ça, me direz-vous… C’est pas faux). On y fait la rencontre d’une chinoise sympa mais un peu lunatique en vacance avec sa fille de 5 ans. Elle nous propose d’aller déjeuner avec elle avant la visite des monastères, nous emmène dans un restaurant, s’assoit avec nous puis s’en va au bout de 2 minutes sans expliquer vraiment pourquoi et ne revient pas… Bon ba oui on peut manger tout seul aussi pas de problème vous savez… Elle ne semble même pas être de mèche avec le restaurateur, juste complètement à l’ouest à priori.

Nous partons ensuite à travers les petites rues bordées de neige où nous nous faufilons jusqu’aux bâtiments impressionnants de Kerti Kompa. On retrouve l’architecture typiquement tibétaine des temples que nous avions admiré à Xiahé, mais cette fois le reste de la ville fait plus penser à un petit village rural des montagnes alpines qu’à un centre urbain rempli de HLM abandonnés, ce qui est particulièrement agréable. On se balade quelques temps dans les rues  du monastère, croisons quelques moines sympas sur le chemin de prière faisant le tour, mais décidons de ne pas visiter l’intérieur des temples. Nous en avons beaucoup vu à Xiahé et préférons donc optimiser notre temps ici pour parcourir la nature alentour, également très réputée.

Nous nous dirigeons donc vers la gorge de Namo qui débute à l’est du village (un vieux moine rigolo nous en indique le chemin) par un étroit passage aux bords très escarpés au fond duquel coule une petite rivière. De chaque côté de la gorge plusieurs grottes percent les parois et de hauts pins culminent sans cacher complètement les hauts pics qui promettent des paysages fabuleux en second plan. Cette première partie est sacrée, les drapeaux de prière claquant au vent sont innombrables et certaines grottes servent clairement de lieu de méditation et de prière.

La gorge finit par s’ouvrir en une vallée serpentant entre des pics restant tout de même très rapprochés les uns des autres. Ceci fait que dès que l’on passe un virage on a envie d’aller jusqu’au suivant, pas très loin, pour voir ce qu’il y a derrière et qu’on ne s’arrête jamais de marcher jusqu’à la mort. Bon, on finira tout de même par faire demi-tour je vous rassure. C’est la neige qui aura raison de ma volonté, recouvrant complètement le chemin, haute jusqu’au genou et s’étendant à perte de vue jusqu’au premier col il semblait peu utile de persévérer surtout sans équipement étanche.

Mais cette balade vaut définitivement la peine. Attention tout de même, les guides tels que le Lonely Planet disent de s’arrêter à la grande prairie marquée par 3 grands cairns et même s’il est vrai que le panorama y est particulièrement splendide, il l’est encore plus un peu plus loin au pied de cette longue montée vers les cols dont je parlais il y a quelques lignes. Donc persévérez jusque là sérieusement !

En rentrant nous croisons sur le chemin de prière deux petites vieilles le parcourant en papotant. Nous prenons initialement l’une d’elles pour un homme du fait de son crane rasé mais il s’avère en fait que c’est une moine. Elles nous sourient en passant et nous échangeons 2-3 mots sur le guide que nous tenons à la main mais la barrière de la langue devient vite un obstacle embêtant. Dans la rue principale nous tombons de nouveau sur notre chinoise un peu fofolle qui nous double en taxi. Elle nous propose de nous emmener avec elle ce qui est gentil c’est vrai mais pas vraiment super utile puisque nous nous trouvons alors à 100m de notre hôtel. Lorsque nous la retrouvons sur le trottoir elle nous explique être allé dans un petit village à 3km de là et avoir assisté à une scène de cannibalisme, ou plutôt de nécrophagie. Un petit vieux récemment décédé aurait été découpé devant elle et le reste du village puis cuisiné et dévoré…. Mmmh mmmh oui oui oui tout à fait. Et la marmotte elle met les restes dans le papier alu ? En fait soit elle est tombé sur un village de psychopathes congénitaux, soit elle s’est un peu emmêlée les pinceaux avec la coutume tibétaine qui veut que les morts soient offerts aux animaux sauvages et donc laissés nus, potentiellement découpés au préalable, dans un endroit bien précis. On y assiste alors à un véritable festin pour les corbeaux (si tu nous lis au lieu de bosser au prochain tome George, elle est pour toi celle là) et autres charognards en tout genre.

Le soir, ville à moitié abandonnée oblige, nous parcourons sans succès les rues à la recherche d’un restaurant typiquement tibétain (dernier soir dans ces régions d’influence tibétaine) pour finalement revenir au petit boui-boui chinois à coté de notre hôtel. Il n’est pas trop mal hein, je dis pas, mais bon on mange ce qu’on va se taper tous les jours pendant encore 4 semaines donc on aurait pas été contre un petit sursis !

Après une formidable nuit dans notre hôtel pouilleux, nous sortons attendre le bus à 7h. Il fait encore nuit noire et la température est glaciale, du coup les autres passagers font un grand feu avec des cartons au milieu du trottoir, not a single fuck given J On ne se fait pas prier pour se mettre autour en tout cas.

Le bus tardant arriver nous décidons avec 8 autres touristes d’accepter l’offre d’un gentil monsieur nous proposant de nous emmener dans son van pour la modique somme de 30Yuan par personne (au lieu des 25 du bus).

Je m’aperçois que je ne vous ai toujours pas dit où nous nous rendons de si bon matin. C’est fâcheux et vous m’en voyiez contrit, votre impatience est palpable à travers l’espace-temps qui nous sépare en ce moment (enfin, en CES moments devrais-je dire, n’est ce pas ?). Mais bref revenons plutôt à notre histoire. Nous nous rendons tout simplement à Zoïgé au Sichuan, où nous prendrons ensuite un bus pour Songpan et de là un nouveau bus vers la réserve naturelle de Jiuzhaigou. Il était important que nous y arrivions le soir afin de pouvoir en commencer la visite dès le lendemain matin à l’ouverture. On a toutefois failli passer à côté de notre plan puisque le dernier bus passera devant l’entrée du parc et les nombreux hôtels voisins sans s’y arrêter.  Rien n’est écrit en anglais, nous ne sommes  donc pas complétement sûrs d’être au bon endroit et puis on se dit alors que si ça avait été là il se serait forcément arrêté. Mais km après km, inlassablement, ce damné bus continue sa route emportant avec lui nos espoirs d’une optimisation impeccable de notre temps dans la région. Enfin arrivés et arrêtés dans la grande ville suivante, à au moins 30km de ce que nous pensions être l’entrée de la réserve (avec justesse au final), on hésite sur la marche à suivre. Rester dormir ici ou prendre un taxi pour y retourner dès maintenant. Après toute une journée de voyage nous rageons de ce temps perdu qui aurait facilement pu être évité. Nous faisons donc un dernier essai sans y croire vraiment avant de baisser complètement les bras : un bus public se dirige dans la bonne direction mais comment un tel bus pourrait-il avoir un parcours de 30km sur des routes de montagne ?! Et bien si… Sa route passe devant la réserve et il ne coute que 5yuan ! Du coup j’arrête de pester contre l’univers (au grand soulagement d’Anaïs) et nous parvenons enfin à destination. Nous nous trouvons une bonne petite auberge de jeunesse près de l’entrée, faisons les courses pour le lendemain, dinons, et tentons de faire une lessive : au bout de 30 min rien n'a encore été lavé, car il faut en fait remplir le tambour manuellement via un tuyau d'arrosage avant de lancer le programme.... Ah ok! Bon mais du coup l'eau va rester froide non ? Enfin froide, je veux dire glaciale. Oui oui! Ca ne va rien laver du tout du coup et on va se retrouver avec des vêtements à moitié humides demain matin pour rien, c'est ça ? Voila, mais c'est toujours 5Yuan la machine s'il vous plait. Bref c'est pas la panacée mais nous finissons par y arriver (idem pour l'essorage, au bout d'un moment la machine chauffe alors s'arrête, il faut la relancer, etc...) étendons la "lessive" dans notre chambre à -5°C, essayons le wifi (sans succès)  et éteignons les lumières. Petit plus tout de même, les lits sont chauffants. Tel un siège auto, le matela chauffe doucement sous votre ventre c'est un véritable délice dans une chambre sans chauffage au milieu des montagnes chinoises.

Certes nous nous levons avant à l’aube, dans un froid mordant qui nous assaille dès les couvertures retirées mais c’est après une bonne nuit de sommeil et c’est vraiment ce qui compte étant donné la journée qui nous attend (même si nous n’en prenons pas encore toute la mesure à ce moment précis).

La réserve naturelle de Jiuzhaigou est un véritable bijou. Composée de 118 lacs à l’eau turquoise et absolument translucide, elle s’étire le long d’une rivière dont les embranchements  courent à travers 3 vallées (Zechawa, Shuzheng et Rize) et d’où s’élèvent de hauts pics enneigés à plus de 4000 d’altitude. Les forêts particulièrement denses par lesquelles passent la rivière sont partout sur les flancs des montagnes, et supposément abritent quelques pandas à l’état sauvage (que nous ne verrons malheureusement pas). L’endroit est étonnamment bien préservé pour la Chine et c’est tant mieux.

L’entrée du parc est par contre particulièrement chère (220 Y), et c’est sans compter le bus que l’on peut prendre pour parcourir les 30km de vallée séparant l’entrée du point le plus reculé du parc, la forêt vierge au pied du mont Ganzigongaii, (sans compter la 3ème branche du parc, 18km vers le « Long lake »). Ce bus n’est pas obligatoire  mais il va sans dire que pour visiter une grande partie du parc, il est indispensable. Un ticket hop-on / Hop-off coute 90Y et permet donc de monter et de descendre autant fois que l’on souhaite. Tout cela c’est bien beau mais complètement hors budget. D’autant plus que Bouddha n’est décidemment pas en notre faveur : les tarifs d’hiver commence à s’appliquer le 18/11, soit 4 jours plus tard seulement, diminuant le prix d’entrée à 80Y ! Mais nous avons plus d’un tour dans notre sac, et confortés par notre expérience de la fausse carte d’étudiant à Xi’An, nous renouvelons l’expérience pour avoir moitié prix. Cette fois la guichetière est plus difficile à convaincre (comment se fait-il qu’il n’y est pas de photo sur votre carte d’étudiant ? etc. etc.), mais sans nous démonter, à force de larmoyer et d’insister sur notre bonne foi (tout à fait légitime évidemment) nous finissons par obtenir nos entrées à moitié prix. Comme d’autres voyageurs rencontrés la veille nous ont dit qu’il n’y avait aucun contrôle dans les bus-navette mis à part à la première station à l’entrée du parc, nous ne prenons pas de billet et décidons de marcher jusqu’à que la fatigue où la montre nous commande de faire autrement. C’est parti pour une marche qui durera finalement 19 km ! Comme nous sommes les seuls à entreprendre cette visite à pied, les chemins nous appartiennent complètement.

Au bout de 5km le premier lac s’ouvre devant nous, Bonsai Shoals, petit mais tenant toutes ses promesses d’une eau turquoise presque surnaturelle. Ensuite les lacs s’enchainent les uns derrière les autres paisiblement, de plus en plus grand, tel que le Shu Zheng, resplendissant avec ses chutes en amont, de faible hauteur mais d’une largeur impressionnante.

 

Un peu plus haut, sur le flanc de montagne se situe un petit village tibétain, charmant mais perdant un peu de son attrait du fait qu’une majorité de ses bâtiments abritent des magasins de souvenirs pour touristes. Il y a dans cette vallée 9 villages (les autres plus reculés par rapport au tracé du parc doivent certainement avoir gardés leur authenticité mais nous restent du coup invisibles), d’où le nom du parc, Jiuzhaigou, signifiant « la vallée aux 9 villages ». Une légende dit également que c’est la déesse Semo, jalouse et en colère contre son amant Dage le dieu de la guerre, qui en cassant le miroir que ce dernier lui avait offert en fit tomber les morceaux sur Terre, 118 morceaux créant ainsi les 118 lacs de la vallée.

Au bout de 14 km de marche, nous arrivons à l’embranchement des vallées, où deux options s’offrent à nous : vers l’ouest et la forêt vierge, avec encore beaucoup de lacs sur le chemin, ou bien vers l’est et le Long Lake et la piscine aux 5 couleurs. Etant donné que nous voulons continuer à marcher la première option nous semble la plus indiquée et c’est donc vers l’ouest que nous nous dirigeons. Juste avant cela nous passons au pied des incroyables chutes de Promising Bright Bay s’étendant de nouveau sur une largeur spectaculaire et cette fois d’une hauteur non négligeable.

 

Le lac suivant l’embranchement, le lac miroir, porte bien son nom, un bleu impossible, reflétant parfaitement les immenses montagnes alentours. Mais l’endroit n’a pas fini de nous couper le souffle, un peu plus loin une nouvelle chute, la chute des Perles est superbe, avec un chemin en bois aménagé de façon à en surplomber une partie, et à passer au-dessus de la rivière s’étalant sur tout le flanc de montage pour arriver à la chute.

Après le lac Panda (où ne voyons pas de Panda, non…), et 19km de marche, nous décidons de tenter de prendre un bus pour nous emmener jusqu’au bout de la route au mont Ganzigongaii. Effectivement personne ne nous demande rien et nous roulons tranquillement jusqu’au point culminant de la vallée. C’est toutefois un peu décevant car la forêt vierge n’est pas accessible aux touristes et même si la vue sur le mont est bonne, elle n’est pas non plus particulièrement  transcendante. Il est sans doute préférable de faire l'autre branche de la vallée plutôt que de pousser jusque là sur celle-ci.

L’après-midi étant bien avancée nous reprenons un bus pour descendre, faisons quelques stops rapides pour admirer des paysages pas vus dans le sens inverse, puis reprenons la route. Nous décidons tout de même d’arrêter le bus 5km avant l’entrée du parc, et ce pour 2 raisons : d’une part il y a un petit temple tibétain sur un chemin partant vers l’est avant l’entrée du par cet nous voulons le visiter, et d’autre part Anaïs a peur que l’on se fasse contrôler à la sortie du bus en arrivant en bas. Mieux vaut être prudent c’est vrai,  la police chinoise n’est pas réputée pour son indulgence et sa demi-mesure. Mais bon…. 5km avant, on avait tout de même de la marge c’est tout ce que je dis… Juste avant le chemin menant au temple par exemple… Enfin passons, la marche c’est bon pour la santé ! Nous allons donc voir ce temple, dont la pointe dorée de son énorme chorten se laisse apercevoir au dessus des arbres avec les montagnes en arrière plan. Rien que pour cette vue cela valait le petit détour, et d’ailleurs presque seulement pour cette vue puisque le temple s’avère fermé et complétement désert.

 

Ceci clôture notre longue marche à travers Jiuzhaigou d’où nous sortons tranquillement alors que le soleil se couche. Avant de perdre toute motivation, nous faisons le km qui nous sépare de la gare routière pour aller acheter nos billets de bus du lendemain matin, puis les 1,5km jusqu’à notre auberge. C’est donc rapidement que nous dinons avant de nous écrouler au lit, exténués mais aussi enchantés par Jiuzhaigou (cela dit, nos vêtements étendus la veille au soir dans la chambre ne sont toujours pas secs Clin d'œil).

Ainsi de bon matin de ce vendredi 15 novembre, nous mettons le cap vers Chengdu, ville principale de cette région du Sichuan, où nous arrivons en début d’après-midi. Le bus nous dépose à proximité d’une station de métro qui nous emmène à proximité d’une auberge repérée dans le Lonely Planet, près des quais très animés de la Brocade river et du High Fly café. A peine sortis de la bouche de métro, les sangles de mon sac à dos principales, déjà rafistolées au Mexique et misent à rude épreuve depuis, lâchent pour de bon. C’est donc à bout de bras que je le porte jusqu’à l’auberge (ce qui d’ailleurs motivera notre décision d’y rester plutôt que d’aller en visiter d’autres, bon et puis également le petit patio intérieur et la table de ping-pong à disposition). Je dédis donc cet article à mon cher ancien manager Beijaflorien qui me vendît ce merveilleux sac. Pour les 2 mois de voyage restants, il ne me semblait peu judicieux budgétairement d’investir dans un nouveau sac, étant donné que je pouvais très bien le transporter dans la house d’avion en bandoulière. Non je ne me suis pas du tout fait mal au dos 30 fois durant les 2 mois qui ont suivi, c’était parfait !

Une fois installé dans notre auberge, nous décidons de prendre le reste de la journée pour vaquer à nos occupations favorites. Anaïs est donc allé faire les courses (la veinarde) et de mon côté, je rattrapais un peu de mon retard par rapport au blog.

Le soir nous rencontrons un anglais (Edward il me semble, mais rien n’est moins sûr), particulièrement sympa (oui ceci est surprenant) vivant et enseignant sa langue maternelle à Shanghai, avec qui nous rejoignons un groupe composé de quelques français et autres membres de pays européens, sur les quais de la Brocade pour quelques bières en plein air. Nous nous mettons ensuite en quête de la rue festive de Chengdu : bars, clubs, restaurants, petits bouis-bouis à brochettes s’y disputent l’espace et l’attention du visiteur nocturne. Un groupe de chinois très en forme, assis à une grande table extérieure prêt d’un stand de brochettes, où l’alcool avait du coulé à flot depuis un certain temps, nous invite à les rejoindre. L’ambiance est absolument improbable, à coups de Gambai ! les tournées de bière et de brochettes s’enchaînent et les discussions anglo-chinoise se font de plus en plus facilement et joyeusement. Comme nous l’avions déjà remarqué à plusieurs reprises, les chinois sont très généreux quand il s’agit de boire et prennent très à cœur de partager leurs cigarettes dès qu’ils en allument une. Petit à petit notre groupe se décompose, certains partent vers des bars, d’autres vers des clubs, Edward finit par en rejoindre certains. De notre côté nous restons avec nos amis chinois jusqu’à leur départ puis rentrons nous coucher.

Notre auberge propose plusieurs excursions vers les attractions principales de Chengdu et de ses alentours mais semble prendre une bonne marge par rapport au coût effectif du transport et des entrées éventuelles. Il vaut donc bien mieux se débrouiller par soit même pour se rendre à ses différents endroits.  La veille nous avions également pris un peu de temps pour organiser nos prochaines journées, et notamment notre long voyage vers Shanghai où nous souhaitons arriver en début de semaine pour faire nos prolongations de visas, et ceci en perdant le moins de temps possible (si 5 jours ouvrés suffisent). Le train Chengdu-Shanghai prenant environ 30h il nous faut donc partir en fin d’après-midi samedi pour arriver dimanche soir. Etant donné que les chinois sont de grands malades, plus d’1 milliards et toujours en vadrouille, ce genre de trajet abominablement long (insupportable pour le commun des mortels), est pris d’assaut tous les jours et les places couchette premier prix sont donc toutes réservées plusieurs jours à l’avance. Les classes supérieures sont hors de prix, nous nous rabattons vers les places assises avec une anticipation pour ce voyage qui promet d’être particulièrement agréable.  Mais attendez nous ne sommes tout de même pas venus à Chengdu pour rien,  notre sens inné de l’organisation nous donne le temps de nous rendre au parc zoologique des grands pandas. Un bus public à 1 ou 2 yuan nous y emmène très facilement (vraiment pas besoin de payer d’excursion). Nous tentons d’obtenir le prix étudiant avec nos fabuleuses cartes contrefaites (avec une habilité remarquable), mais cette fois ce sont seulement les étudiants chinois qui ont droit à la réduction. Nos talents en contrefaçon et en maquillage sont battus, nous payons plein tarif.

C’est sûr que cela aurait bien de pouvoir les observer en liberté mais vu qu’il n’en reste qu’environ mille à l’état sauvage c’est fortement compromis et le parc de Chengdu fait une substitution parfaitement honorable. Les enclos à l’extérieur sont nombreux, variés,  et espacés. Les animaux y semblent à l’aise pour dormir, jouer (mais pas trop parce que c’est épuisant) et passer plusieurs heures à ingérer leurs 40kg de bambous quotidien.

Ces animaux adorables, branche distante de la famille des ours et vieux de plus de 8 millions d’années, ont survécu au profond bouleversement climatique de la période glacière en changeant leurs habitudes alimentaires, passant d’un régime carnivore à un régime bambouhivore. Leur système digestif n’étant pas du tout fait pour assimiler ces plantes, c’est pour cette raison qu’il leur faut en ingérer plus de 40kg par jour pour se sustenter. En plus d’avoir la libido d’une nonne effarouchée, les pandas sont des partenaires exigeants et ne se reproduiront qu’avec un congénère leur plaisant physiquement (rien à faire de la beauté intérieure, de la personnalité de l’autre, c’est tout bonnement écœurant, je ne vous le fais pas dire !). Cela explique donc leur faible nombre mais on se demande surtout comment ils ont tenu 8M d’années.

Toutes ces considérations ne nous empêchent pas de nous extasier devant ces animaux fabuleux, par groupes de 2, 3 ou 4, ou même en gros solitaire, leur perpétuel air pataud et maladroit est très amusant. Nous tombons ensuite sur 3 petits séparés quelques temps de leurs mères pour une raison ou une autre, pas encore très à l’aise dans leurs mouvements mais pas peu joueur pour autant.

L’un d’eux se met subitement à geindre de façon touchante, toujours à moitié dans son sommeil ce qui finit par faire accourir une employée (dont je pense à ce moment précis tout le monde enviait le travail) qui le prend dans se bras, le caresse et le berce pour le réconforter.

Nous finissons notre visite par les 2 enclos des petits pandas rouges, à mon avis les animaux les plus adorables au monde (même si à un moment l’un d’eux se fait pourrir par 2 ou 3 autres et à moitié exclure du groupe,…On se serait cru dans une cour de collège). Un musée vaut également le détour, nous y apprenons quelques infos intéressantes dont j’ai parlées plus haut et voyons un documentaire sur les tentatives de reproduction naturelles qui sont faites dans le parc, complétées en majorité par des inséminations artificielles.

De retour à l’auberge nous nous mettons en route pour la gare et nous nous préparons psychologiquement pour le voyage interminable qui nous attend.

30h de voyage au milieu d’une véritable cour des miracles chinoise, entassés à 3 par banquette à dossier parfaitement droit. C’est évident que ce fut pas le meilleur moment de notre périple, mais pas non plus aussi déplaisant qu’on aurait pu s’y attendre. Une certaine bonne humeur règne dans ces wagons surpeuplés et même si nous ne parvenons qu’à dormir quelques heures, le temps passe plutôt vite. Il me semble que c’est durant ce trajet qu’un monsieur se mit à chanter de très belles chansons chinoise à la manière d’un ténor d’opéra. 1 ou 2 personnes successivement se joignent à lui spontanément, mettant tout le wagon sous le charme. A chaque fin de chanson les applaudissements pleuvent et les remerciements répétés du fameux chanteur « shéshé, shéshé » se font entendre, ce qui ne cessent de m’amuser.

Après donc une dizaine de chansons, 4 repas à base de soupes de nouille, 200 pages de livre lus, quelques épisodes de Shameless visionnés, 2 ou 3 bracelets tressés, 20 tentatives d’endormissement avortées et des kilomètres de paysage observés, nous arrivons enfin dans la grande ville de Shanghai, dimanche soir, où notre auberge, réservée sur internet la veille, nous attend à bras (et surtout lits) ouverts Sourire

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